La viande : miroir du statut social dans une société carniste

Excellente analyse d'une publicité: I Am Man (de Burger King) par la communauté Je suis une pub spéciste ;)


Les arguments éthiques (mais aussi environnementaux, sanitaires, économiques...) en faveur de l'abolition de la viande sont très solides et les alternatives ne manquent pas ; mais attaquer la légitimité de la viande implique de remettre en question une pratique valorisée socialement, qui évoque en nous des sentiments et des significations sociales importantes.

Quelles sont ces significations?
Réactualiser son appartenance au genre dominant :

-La consommation de viande est une pratique profondément genrée. Dans l'imaginaire collectif, la consommation de viande est associée à la figure masculine, à la virilité, puissance, prédation, domination...

Pour un homme, consommer de la viande (surtout s'il s'agit de viande rouge) revient à actualiser son statut de dominant au sein des relations sociales "genrées". Ainsi, un homme végétarien a de chances de voir son identité masculine remise en question, faire l'objet de moqueries. Il est sous entendu qu'un "vrai" homme, lui, ne peut avoir qu'une alimentation carnée. C'est bien le statut du mâle dominant qui est en jeu!

"À la domination est aussi généralement associée la volupté du bon vivant ; son refus, en tout cas, évoque la pénitence, la mortification, l'abstinence : les végétarien-ne-s sont presque toujours décrit-e-s comme tristounet-te-s, ascétiques, mystiques (l'abstinence), sèc-he-s, nerveux/ses, maigres, voire amorphes (légumes), féminin-e-s ou efféminé-e-s, passifs/ves... Eux/elles ne dominent pas la mort en la donnant, et ressemblent plutôt à ces « déchets malsains » que sont les proies."

Cette pression "viriliste" joue probablement un rôle dans la sous représentation du genre masculin au sein du mouvement "animaliste". En effet, refuser la consommation de viande est davantage toléré socialement pour le genre féminin que pour le genre masculin. Sans doute que certains hommes ne souhaitent pas s'exposer à la pression et au jugement social, et renoncent ainsi (probablement inconsciemment) à devenir végétarien et à s'exprimer ouvertement en faveur de la cause animale.


-La consommation de viande permet donc une identification au genre dominant, mais elle permet également une réactualisation de l'appartenance à l'espèce dominante : consommer un animal tué exprès pour l'occasion c'est se rassurer au sujet de la place centrale de l'espèce humaine parmi les autres. Renoncer à cette place au centre du monde peut être perçu comme une trahison envers sa propre espèce, une sorte de folie anti-humaniste...

"En mangeant la viande placée au centre de la table, chacun se rassure sur sa propre qualité de dominant, sur sa place parmi ses proches et au sein de la société qui lui a accordé ce pouvoir de tuer.


-Cette publicité affiche un mépris explicite envers le genre féminin et le végétarisme :

"I'm way too hungry to settle for chick food!" : J'ai bien trop faim pour me contenter de nourriture de gonzesse! (chick signifiant également "poussin"...)

"Wave tofu bye-bye! Now it's for Whopper beef I reach" : Adieu tofu ! C'est le burger de boeuf que je veux.

L'identification entre genre masculin et prédation est également très présente :
"I am man, hear me roar" : Je suis un homme, entends mes rugissements.
"I'm going on the prowl, for a Texas Double Whopper!" : Je pars à la chasse au burger.

On distingue ainsi les deux aspects du carnosexisme hétéronormé : confusion entre femmes et viande (tous deux objets appropriables et consommables), et association du genre masculin à la prédation, c'est à dire au statut dominant (on chasse un morceau de viande tout comme on "chasse la femelle").


-On perçoit ainsi toute la bassesse des stratégies publicitaires, qui jouent bien souvent sur la peur de l'exclusion et les stéréotypes de genre pour susciter un comportement d'achat. Cette publicité ne nous vend pas un burger mais un statut social valorisé (de genre et d'espèce).


-On comprend alors en quoi remettre en question la consommation de viande (et l'exploitation animale de manière générale) pose problème pour la plupart des individus : cela revient à renoncer à un statut (double dans le cas du genre masculin) dont la signification sociale est très importante. 


Si l'abolition de la viande parait inconcevable pour bon nombre de personnes, c'est que ce produit a une signification forte ; l'idéologie carniste entretient un système de représentations positives autour des produits carnés, d'où dérivent de nombreux intérêts personnels et sociaux relatifs à leur consommation.


Love, Namasté, 
Fabien

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