Livre: Voir son steak comme un animal mort (par Martin Gibert)

La plupart des gens désirent le bien des animaux. Mais voilà: ils aiment aussi leur steak. C'est ce qu'on appelle le paradoxe de la viande. Nous ne voulons pas voir que ce que nous mangeons. C'est de l'animal mort.


De plus en plus de chercheurs expliquent ce phénomène de "dissonance cognitive" par des pratiques sociales et des croyances qui visent précisément à occulter la souffrance animale. Tout converge pour nous convaincre, depuis l'enfance, qu'il est normal, naturel et nécessaire de consommer des produits d'origine animale. Pourtant, dans les faits, rien n'est moins vrai - tant du point de vue de la santé que de l'éthique animale et environnementale.


Dans cet essai accessible et engagé, Martin Gibert propose une synthèse des débats contemporains sur le paradoxe de la viande. Ce faisant, il présente le veganisme, un mouvement moral et politique en pleine émergence qui lutte pour pour la justice animale, sociale et environnementale.





7 juillet 2113, Berlin, Allemagne. La ministre de la Condition animale arrive devant le bâtiment, serre plusieurs mains, puis monte sur l'estrade. Tandis que la prothèse en fibre de carbone qui lui tient lieu de main gauche diffuse une légère lumière bleutée elle s'éclaircit la voix et entame son discours:

"Chères concitoyennes, chers concitoyens, au nom du ministère, au nom de toute l'équipe je voudrais d'abord vous remercier d'être venus en si grand nombre. Je suis émue de vous voir, je suis émue d'être là, et je suis émue lorsque je pense à tout le travail qui a été accompli. N'est-ce pas un peu ridicule que cet hommage que nous apprêtons à rendre aux autres animaux? Peut-être. Mais comment faire autrement?

Je n'ai pas l'habitude de parler de moi en public, mais permettez-moi une exception - et à bien des égards, cette journée est exceptionnelle. Permettez-moi d'évoquez un souvenir d'enfance. C'est celui du vote de la Loi sur l'abolition des abattoirs. Mes trois parents, des militants de longue date pour le droit des animaux, attendaient la nouvelle avec impatience. C'était un chapitre de leur vie qui se refermait. J'avais à peine six ans. Je ne me rendais pas vraiment compte, mais je sais que quelque chose devint soudain plus léger.

Aujourd'hui, nous nous apprêtons à tourner une nouvelle page. Nous sommes réunis pour inaugurer ce mémorial européen du zoocide. Nous sommes au seuil d'un lieu de recueillement. Comme vous le savez, il y a moins d'un siècle, on a exécuté - ici même, derrière moi - des centaines de milliers de bœufs, de veaux et de vaches. Chaque jour, des individus singuliers, des êtres sensibles, disparaissaient dans cette machine à tuer. Ils agonisaient derrière ces murs sans fenêtres. Et la seule justification de leur mise à mort? Ils n'étaient pas de notre espèce. Ils n'étaient pas assez comme nous.

Ce lieu de mémoire sera aussi un lieu de savoir. Le mémorial sera aussi l'Institut d'Histoire du Spécisme où pourront collaborer des chercheurs du monde entier. Je dois avouer que le volet destiné aux scolaires me tient particulièrement à cœur. Car si nous sommes débarrassés des abattoirs, nous ne nous ne sommes, hélas, pas encore débarrassés du spécisme.

Il survit en chacune et chacun, comme survit l'appétit pour la dominance sociale et ses privilèges. Vous le savez comme moi, le sexisme et l’hétéro-sexisme ont pratiquement disparu. Mais, à bien des égards, nous ne sommes pas différents de nos ancêtres carnistes. Nos biais cognitifs continuent de nous jouer des tours. Comme disait l'autre, notre perception morale est cabossée...

Pour finir, je dirai que la leçon de l'histoire doit aussi en être une humilité. Aujourd'hui, nous allons entrer en silence dans ce lieu de mémoire - la mémoire douloureuse de l'un des pires crimes collectifs perpétrés sur Terre. Nous allons prendre le chemin des vaches. Nous allons voir les appareils de contention et les rigoles d'évacuation du sang. Nous n'entendrons pas les cris de terreur ni ne respirons l'odeur des viscères. Mais nous pourrons l'imaginer. Et je suis certaines que nous éprouverons de la honte. Je nous souhaite d'y puiser la force et la volonté de respecter davantage les communautés animales.

Prenez soin de vous et prenez soin des autres."

Love, Namasté,
Fabien

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